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Ce fut lors de l'une de mes errances , que mon chemin, avec des péripéties liées au hasard, me conduisit en un quartier que j'ai connu jadis, en la ville de Grand-Trou, là ou j'étais né.
Je participais à une exposition collective de peintures, avec d'autres artistes, dans une galerie, située dans la grande rue principale.
Cette rue était désespérément déserte, et là ou l'expression de dire " il n' y a pas un chat ! " devait être la norme, au contraire, ce point de vue, ou jugement, devait être corrigé, car les seuls passants étaient ...Des chats !
Il y en avait des gros et des moins gros, mais ils étaient en un nombre conséquent.
Cette rue était donc dramatiquement déserte, et tous les commerces étaient fermés, certains depuis une longue date, le résultat d'une longue crise, qui perdurait depuis une date oubliée depuis longtemps.
Donc, que de souvenirs !!! Je l'ai connu, ce quartier, jadis !
L'école que j'avais fréquenté tout petit était non loin d'ici, de mes petites jambes d'alors, oui, j'avais bien connu ce quartier, et cette grande rue, autrefois, la rue dite des "Casses pieds", ou tout me revenait.
Dans le hasard de ma vie d'errances, certains moments me ramenaient à mes racines, à mes origines.
Ainsi, j'avais le souvenir très ancré et présent en moi-même de mes frasques du jeune enfant d'autrefois, et très souvent, de tels souvenirs refaisaient surfaces .
Ainsi, j'avais le souvenir très profond , et ému, d'une certaine Madame Louppet, ou "Mère" Louppet, pour les plus intimes, dont moi-même. C'était une vieille dame, qui pour moi, le petit minot, avait traversée les âges. Il est vrai que je n'ai jamais vraiment sut son âge, mais je l'aimait bien, et finalement, il faut dire que j'ai appris à l'aimer, et il faut le préciser, pour comprendre mon histoire. Elle vivait en un ancien immeuble de style Baroque, mitoyen, de la rue des "Casses pieds", au Numéro 666 plus précisément. On racontait volontiers qu'il n'y avait pas de numéro numéro 666, mais plutôt un numéro style B 66, dont le B était effacé depuis longtemps.
Elle avait la particularité de posséder et d'élever une trentaine de chats, au moins : ses "bébés", ou "meubles", comme elle disait. Je n'avait en fait jamais connu le nombre exact. Il se racontait aussi qu'elle avait une dizaine de chiens. Ma foi, pour moi, ce détail était intriguant, car je n'avait jamais été le témoin de la voir avec des représentants de la race Canine. La Mère Louppet avec un chien ? Tiens... C'était vraiment du n'importe quoi !
J'ai le souvenir qu'elle utilisait le biberon pour donner à boire ses matous. Je pensais que c'était ridicule, mais c'était une solution particulière pour faire boire ces derniers.
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La mère Couppet, c'était une mamie plutôt très dynamique d'après elle, au dos courbé, qui semblait avancer comme une tortue, avec la plus grande des peines. Ses cheveux étaient blancs comme de la neige, et son regard était profond, et rien ne semblait lui échapper ...
La caractéristique principale était qu'elle avait la réputation d'être une grande pipelette, un point de vue toutefois assez notoire, et même légendaire. Elle racontait volontiers qu'elle savait tout, et surtout de toutes les personnes, qu'elle fréquentait de près ou de loin, comme moi, par exemple. J'ai oublié de le préciser aussi, mais on racontait qu'elle avait aussi un gros crapaud, dans un bocal , avec une échelle pour monter prendre l'air, et qu'elle pratiquait la magie en secret. C'était plutôt des ragots d'enfants, mais cependant, il me faut l'avouer, j'ai entendu souvent des adultes le dire, et le raconter.
Sinon, elle surveillait ses "bébés" (ses chats), ou "minets" d'une main de fer, et gare à ceux qui entreprenaient, comme moi, de leur faire des misères !
Ainsi, malheureusement, avec mes copains et copines, en sortant de l'école, j'avais un malin plaisir à tirer les queues des matous. Bien entendu, l'inconvénient était qu'ils griffaient souvent. Bien entendu aussi, parmi mes camarades, il y avait ceux qui étaient "pour" et ceux qui étaient "contre", et qui jugeaient la démarche cruelle, quand d'autres encore avez des chats.
La mère Louppet donc, ne restait pas indifférente à mes frasques. Dés que la queue d'un de ses matous était tirée, il était logique de la voir en confrontation avec moi, munie d'un balai, ou d'un rouleau à tartes . Bien entendu, elle ne m'a jamais fait de mal, tout au plus, j'ai le souvenir d'avoir reçu une paire de gifle bien méritée. Avec le temps, j'ai eu du remord de mon comportement, et j'en ai parlé autour de moi par la suite. On ne me blâmait pas, et on me racontait que c'était un passage fréquent de l'enfance.
Mais loin de moi, je ne pensait pas être le principal responsable, car je pense avoir été entrainé dans un effet de groupe, et finalement, remonter au responsable en premier lieu serait bien difficile à établir. Au moins, mes arguments ne manquaient pas.
Pour ce qui était de tirer les queues des matous, c'était chose facile à faire, et il fallait dire que j'avais l'embarras du choix, ce que j'aimais vraiment. Ainsi, j'aimais courir après un chat, le "courser" , en une course poursuite folle, et voir entrer un chat dans une cave, ou une chatière, à toute vitesse, pour voir ensuite dans un petit espace sombre, dans un noir presque complet, deux yeux brillants qui observaient. ça me faisait grandement rigoler.
Un jour, un chat tigré avait foncé dans un mur, et était resté raide par terre. Au départ, je pensais qu'il était mort, et j'avais eu le plus grand mal à le remettre sur pieds, ensuite. Les jours d'après, il me fuyait, c'était dire à propos de son dynamisme retrouvé !...
Assez facilement, les chats pouvaient s'apparenter à mon terrain de jeux , mais il y avait les pigeons aussi, mais eux, ils s'en tiraient toujours, car ils volaient. Pour ce qui s'agissait des rats, ils étaient invisibles : tout au plus, j'en avait vu qui traversaient les rues, pour passer d'un égout à un autre, et il faut dire qu'ils étaient assez rapides. Pour ce qui était des chiens , c'était autre chose, et le plus souvent, il m'arrivait de tomber sur de gros chiens, mais ça mord ces bestioles là...
Cependant, il m'était arrivé de voir assez rarement des chats se défendre. Un jour, l'un d'entre-eux m'avait marqué : ses poils se dressaient, comme si il s'était électrocuté, il me regardait avec de gros yeux, tout en poussant des cris terribles , et à un moment donné, il avait fait un grand bond sur moi, surprenant, et heureusement, ma petite taille m'avait sauvée de ses griffes, et de sa fureur.
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La mère Louppet voyait tout cela, bien entendu, et plutôt d'un mauvais regard, propre à elle. Moi et mes copains , et copines, étions biens impressionnés quand tous les matous étaient présents, tous réunis autour d'elle, souvent pour la "popote" (nourriture), quand ils poussaient des miaulements, et gémissements à ne plus en finir. Avec ses hurlements, elle déplorait notre cruauté commune, en disant que nous étions des "enfants détestables !" .
Mais avant de revenir à Madame Louppet, il est important pour moi de parler d' Ecureuil, un chat qui intervint dans ma vie durant la même période, vers mes 10 ans... Et qui allait changer mon point de vue.
Alors que souvent il m'arrivait de tirer la queue des chats, et commettre diverses frasques , voilà que mes parents m'offraient un chat avec de longs poils, et qui devint rapidement grand. pour moi, le choix ne faisait aucun doute, et je lui avait choisi le nom de Ecureuil.
Il ne me restait désormais qu'a trouver l'accord parfait pour cohabiter avec un tel animal. C'est dire qu'il devait avoir un certain charisme, car il était impossible pour moi de lui tirer la queue: il m'inspirait le respect, tout comme l'envie d'avoir des rapports plus sérieux avec lui. Il me semblait que son vrai univers était la vie sauvage, et non une vie en appartement.
Je ne m'était pas trompé par la suite, car assez rapidement il avait fait preuve d'un désir de grande indépendance, et être enfermé entre quatre murs devenait trop pesant pour lui. Il était donc de plus en plus dehors, et de plus en plus turbulent, comme si il faisait le pitre.
J'avais vite compris que ce qui était dehors était son univers, et il griffait et déchirait de plus en plus les meubles et les canapés. La situation devenait difficile.
Moi, finalement, je l'aimait bien. C'était mon nounours. Lui, en revanche, il semblait comprendre mon rapport complexe avec les chats, mais il m'aimait bien aussi. De même, je lui racontait souvent mes exploits avec les chats de la mère Louppet, et il me semblait qu'il comprenait. En revanche, pour mes parents, Ecureuil devint un véritable cauchemar, et ils n'avaient qu'une idée en tête : s'en débarrasser au plus vite. Et puis, il vivait dangereusement, et il ne pouvait s'empêcher de faire le pitre, en étant par exemple un parfait équilibriste sur un étendage, ou en m'interpellant au loin, pour faire la course à un autre chat, ou faire "pipi" sur les prises électriques , ou la prise du téléphone...
Ainsi, donc, au départ, ce fut la porte.
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La société protectrice des animaux de la ville de Grand Trou fut informée par la suite qu'un chat errant circulait autour de mon immeuble.
En face de celui-ci, il y avait un terrain vague, surmonté d'une colline. Souvent, le soir, avant de me coucher, pendant cette période, l'envie me prenait de regarder Ecureuil assis, en haut de la petite colline, en son sommet, ou monticule.
Ce fut une période assez longues, de sans doute quelques mois. Souvent, il m'était arrivé de voir derrière lui la pleine lune qui l'éclairait, et d'une telle manière qu'il en était devenu très beau. une forme de noblesse émanait de lui, presque une sorte de charisme propre aux humains. Pour moi, c'était devenu le prince des chats.
Son retour chez moi était souhaité, mais entre mes parents et lui, le divorce était consommé. Ecureuil ne pouvait s'empêcher de faire le pitre avec eux, attaquant au passage les pieds, en esquissant des croches-pattes qui n'aboutissaient jamais. Mais avec moi, les rapports devenaient presque magnétiques, ou du moins, très proches.
Un gardien travaillait autour de mon immeuble, ainsi que pour d'autres. Il tentait vainement d'attraper Ecureuil, considéré comme un nuisible chat errant, pour le remettre à la société protectrice des animaux. Je redoutais alors sans cesse l'échéance de la capture de celui qui fut en quelques sortes mon compagnon d'infortune.
Pourtant, ce gardien en avait vu d'autres, des "chats à fouetter", comme il disait. Mais impossible de le capturer. De plus, Ecureuil continuait ses pitreries, avec des pirouettes, et c'était plutôt rigolo.
Mais un jour, en passant sur mon palier, pour me dire bonjour, comme il avait souvent l'habitude, car les liens étaient restés très forts, la mère Bourrique, ma voisine du dessous, attrapa Ecureuil, en le coinçant dans une grande valise, ou elle avait placée des croquettes. Elle enferma ensuite Ecureuil dans cette diable de valise, ou cependant il m'était possible d'entendre ses cris.
La mère Bourrique avait ensuite confiée le "fauve" à la société protectrice des animaux.
Ainsi, pendant plusieurs semaines, je n'ai plus eu de nouvelles d'Ecureuil. Le temps me semblait long, et souvent, l'envie me prenait de regarder au sommet de la colline du terrain vague pour voir si il était revenu, en vain...
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Ce fut lors d'une sortie de mon école, en fin d'après midi que enfin des nouvelles de Ecureuil m'arrivèrent. En fait de nouvelles, c'était plutôt une confrontation : j'étais tombé nez à nez sur lui, et il était donc en face de moi. Il n'avait pas beaucoup changé, sinon qu'il était plutôt plus gras. Ce n'était pas moi qui fut surpris, mais plutôt lui, mais il me regardait de haut.
C'est alors que mes oreilles sifflèrent, en entendant ce qui semblait être la mère Louppet, crier :
"Bibi ! Bibi ! ", un événement assez terrible pour moi, car donc, assez rapidement j'ai donc eu la confirmation que mon ancien animal de compagnie avait été "adopté", c'était mon mot.
C'était une situation à vrai dire assez bizarre pour moi, qui quelques mois auparavant n'avait pas vraiment le même rapport avec les animaux.
Par contre, la mère Louppet, elle, pensait et voyait mes rapports autrement. En me voyant, elle trouvait bizarre de me voir, face à son nouveau chat, et compagnon, mais ne me cria pas après, ce qui était assez exceptionnel. Un grand silence prit place, entre elle et moi, la bestiole restant au milieu, assise. Le fossé entre moi et la vieille dame ne semblait plus aussi grand, ce qui semblait amorcer une nouvelle histoire.
Seconde Partie
6-
Donc, mon compagnon fut confié en de bonnes mains, à une dame à qui , jadis, l'envie de perturber ses animaux me prenait. Il en était désormais autrement. En cette époque, lors de mes sorties de mon école, je ne manquait pas d'aller voir, et jouer avec Ecureuil. Au fil du temps, toujours très indépendant , il était sorti du groupe de matous de la mère Louppet, et il fréquentait une chatte de race Chartreuse d'un autre quartier, et donc, il avait moins de son temps à m'accorder.
Mais un jour, tout se précipita : la mère Louppet, après une mauvaise chute, était entrée en une maison de retraite. Une décision qui fut en fait pas si facile à prendre. C'est qu'elle était coriace la mamie ! ses deux fils, autant dire, donnèrent l'assaut chez elle, pour la maîtriser, et lui demander d'être raisonnable, après plusieurs tentatives infructueuses, ou elle répondait en se défendant avec des casseroles. Si elle ne marchait plus, elle n'avait peut-être plus sa tête, et ce fut d'ailleurs lors de son départ qu'eut lieu le fameux inventaire de sa ménagerie : les pipelettes les plus acerbes racontaient bien volontiers qu'on avait retrouvé chez elle plus de trente chats, mais le décompte n"était pas vraiment exact, car une dizaine de félins avaient pris la fuite, dont Ecureuil, bien évidemment.
On racontait aussi qu'elle avait une dizaine de chien, que je n'avait à mon grand regret jamais rencontré. C'était un départ très difficile, qui marquait, et même bouleversait le quartier.
7-
-Mais un mois après, me trouvant dans le jardin de mes parents, autour de grands près, un grand corbeau noir volait et tournait au dessus de moi. Souvent, il criait , descendait, en me regardant d'un regard qui semblait m'inviter à le suivre. Sans savoir vraiment pourquoi, j'avais pris la décision de le suivre. Il n'y avait aucune faute en mon jugement, ou mon interprétation. Le corbeau, désormais, ne volait pas très haut, et souvent, de nouveau , il descendait, tournant sur lui-même , et avançant sur ses pattes, pour me montrer quelque chose.
En avançant, je suis monté au sommet d'une petite colline , pour en redescendre, et en dévalant la colline, quelle ne fut pas ma surprise de trouver, ou plutôt retrouver Ecureuil, allongé, le corbeau se situant à ses côtés.
8- Ecureuil semblait blessé, du sang étant visible sur ses pattes, et vu son état de fatigue. J"avais alors pris la décision de l'emmener à mes parents, pour prendre soin de lui, et le soigner. Mes parents furent très surpris de voir ainsi, en de telles circonstances, le retour de Ecureuil. Tout semblait être alors oublié, et ses frasques semblaient renvoyer au passé. Il semblait avoir été blessé par sans doute un gros chien, certainement une mauvaise rencontre, au mauvais endroit, mais aussi au mauvais moment. Ecureuil allait survire à cette mauvaise rencontre, et à ce triste événement.
C"était un temps heureux, avec un retour espéré, et un temps qui semblait figé.
Mais Ecureuil semblait être trop épris de liberté, tout comme il ne pouvait pas s"empêcher de faire le pitre, avec moi, mes parents, et mes voisins.
Son monde semblait être l'extérieur, et non un intérieur limité. Sa zone de vadrouille devait bien avoir une limite, mais vu l'animal, il ne semblait pas connaître de frontières.
C'est peut-être grâce à lui que mon regard sur le monde et l'espace à changé. Tout comme lui, depuis ce temps, j'aime la liberté, et je n'aime pas les limites. Son retour était en fait un impossible retour, car il souhaitait être libre, et puis c'était tout.
Un jour, Ecureuil est parti, définitivement, sans adieux. C'était comme ça, et ça devait être ainsi. Pour me réconforter, mes parents me racontaient que les animaux étaient plus heureux dans la vie sauvage. Finalement, cette solution, ou réponse, me convenait parfaitement. Il y avait peut-être en moi aussi cette part de vie sauvage à trouver dans la liberté.
Le corbeau, lui, ne m'avait pas oublié, et un temps, il venait me voir pour manger du pain que j'avais posé au rebord de la fenêtre. Lui aussi semblait être un grand solitaire. Le soir, ou à certains moments de la journée, il volait au dessus de moi, et il descendait souvent me rejoindre. Mais entre lui et moi, il était hors de question de le prendre, ou de le toucher, et j'avais rapidement compris que sa liberté était son bien le plus précieux. Je pensais que c'était un oiseau perdu, mais un jour, tout un groupe de corbeaux vint vers lui, et ainsi, par la suite, je ne l'ai plus jamais revu.
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Et puis , le temps était passé par là. Suites à des travaux, la colline ou Ecureuil apparaissait en son sommet avait finie par disparaître aussi. Et moi aussi, j'avais fini par quitter le quartier. Bref, la vie continuait, et suivait son cours.
Quelques années après, j'étais presque devenu un adulte, et cette histoire semblait loin derrière moi, quand, en longeant un mur des miaulements arrivaient à mes oreilles. Ce jour là, j'avais un rendez-vous très important, et à vrai-dire rien ne me retenait pour rester un moment en ce lieu. J'avais alors porté mon regard en haut du mur. Le chat qui m'interpellait semblait étrangement ressembler à Ecureuil, mais peut-être en plus gros. Il me tendait ses pattes comme pour me rejoindre, mais entre moi et lui, il y avait cette distance. Dans ses yeux, il me semblait lire que c'était bien lui, et pas un autre chat. J'ai donc prolongé le moment. Le mur était très long, et derrière, il y avait une grande propriété , avec une grande demeure bourgeoise. Un semblant de conversation, presque surréaliste semblait s'amorcer entre moi et lui. C'était bizarre, mais ça ressemblait à des adieux qui n'avaient jamais vu le jour. Le bonheur était certainement pour lui derrière ce mur, et je ne pensait pas lui apporter quelque chose de meilleur. Le temps semblait figé , et il me semblait que mon passé était à portée de mes mains, derrière ce mur.
Mais le présent reprenait le dessus, ma vie était ici, aujourd'hui, et ce mur semblait masquer ce qui ne reviendrait jamais, à l'image d'un sanctuaire. Les instants se prolongeaient, et pour moi, il était important qu'ils ne deviennent pas des heures. Ma vie devait continuer, et lui, il avait la sienne. Et puis, le moment de partir était revenu. Les minutes se prolongeaient, et c'était un éternel retour. Au final, je suis parti. Lui, il était resté en haut du mur. Ses miaulements étaient devenus particuliers, déchirants.
Par la suite, je suis revenu à plusieurs reprises vers ce vieux mur de pierres. Mais je n'ai jamais revu ce chat, plus jamais, et il me semblait au plus profond de moi que c'était lui. Aujourd'hui, je continue mon chemin d'homme, tout en gardant le sentiment, au plus profond de moi, qu'il reste une part d'enfance en nous, et que quelque part, un espace temps est caché autour de nous, attendant d'être dévoilé . Le passé était revenu, pour me signifier par des signes, peut-être liés au hasard, qu'il était au plus profond de moi.
Ecureuil n'était pas une peluche, et encore moins un jouet : plus qu'un chat, c'était un être vivant, tout comme moi, mais qui demandait un droit, qui était celui de vivre, et aussi par conséquent, de décider de sa liberté. Et comme j'aimais trop la liberté, j'ai contribué à ma façon de lui faire vivre la sienne. Certes, ce n'était pour moi que le début de ma vie, mais à travers lui, j'apprenais à définir ce que voulait dire le mot liberté.
Pour moi, la vie d'un chat relève d'une certaine partie de hasard, sa vie est le plus souvent dangereuse, et il ne semble pas trop se méfier de là ou il décide d'aller. Sa vie est au jour le jour, et il ne me semble pas qu'il pense au lendemain. Les soucis semblent pour lui très loin, et souvent, sa vie ressemble à une aventure. Même si il n'a rien demandé, sa vie semble liée au hasard, et elle peut tout aussi bien être très brève, tout comme elle peut être liée à une certaine captivité avec les hommes, avec entre les deux, le choix de vivre librement, mais avec toutes sortes de dangers et contraintes. Comme si la liberté semblait avoir une part de hasard. C'est dire si elle est précieuse.
Quand Ecureuil est parti, c'est peut-être une part de mon enfance qui était partie avec lui. J'ai appris à situer le bien et le mal, et sans doute, j'ai vu le monde autrement. Pour moi, il est encore quelque part dans ce monde, comme d'autres personnes, et quand j'avance, je regarde devant. Je n'aime pas trop regarder vers le passé, et quand je pense à autrefois, je ne le fait que lorsque c'est nécessaire. Ma vie ressemble à un long chemin, fait de marche le long d'un chemin sans fin, et de rencontres : c'est l'errance. Tout est question de moyens, mais souvent, j'ai envie de traverser le monde, d'un point à un autre, pour faire l'impossible, mais je retourne toujours au point zéro, celui de mes origines. Pour moi, la liberté se confond avec l'errance, et il ne me reste plus qu'a choisir le bon chemin, et faire le vide dans ma tête, comme si il ne s'était rien passé.
Fin.