Un jour, en survolant des cartes de géographie vues dans un gros bouquin, un Atlas, j'ai vu que le monde était à la fois petit, et grand. J'ai survolé des cartes, ou j'ai découvert des pays artificiels, avec des frontières absurdes. En partant d'un point, tout semblait être ensuite si loin , que je me suis perdu à découvrir que le monde avait une multitude de langues, ainsi que de nombreuses langues. L'écho s'était perdu dans les méandres des multitudes, et dans le fond, ce n'était pas une surprise pour moi. Vu d'une page prise par hasard dans un Atlas, ce qui se doit d'être vu de haut, avec la science du géographe, apparaît être bien petit, et abstrait. L'image qui est devant moi est alors une évocation, et je traverse les continents d'un simple regard, les chaînes montagneuses ne sont plus représentées que sous une forme abstraite, des formes qui pourtant, laissent apparaitres de grands vides, ou pourtant la vie elle-même est dissimulée.
Je lance un autre regard, et il me semble que, bien vite, ce monde m'était connu. Du moins, je le connaissait dans ses grandes lignes. Ce monde, au départ inconnu, m'était devenu, il me semblait, trop connu, avant d'envisager, finalement, qu'il m'était finalement méconnu. C'était peut-être une quête du sens, ou tout semblait être comme établi. Tout comme peut-être c'était rechercher le bon endroit sur terre...Que recherchons-nous ?
Sans doute confronter le sens, et le non sens. Si le sens est dicté, il résulte des souhaits de l'homme. Le non-sens c'est quelque part rechercher la liberté . Au regard de l'homme, c'est confronter l'espace urbain à la nature, ou au monde sauvage. Ce que l'homme à dressé, la civilisation, n'est finalement qu'une utopie, et aussi une fausse image.
Ce qui est édifié est trompeur, mais c'est aussi un rêve, et des espérances. L'homme pense être le plus fort en modifiant la nature, et en laissant une trace, son empreinte. Mais il restera anonyme, confronté à sa quête de sens, cherchant sa place, dans l'indéfini, de ce monde plongé dans un univers infini, entre l'ombre, et la lumière.
L'artiste jongle avec le noir et la lumière. De tous les temps, il fut dans l'ombre et la lumière, anonyme comme reconnu, ou même méconnu. Entre l'être, et le savoir, entre l'utile, et l'inutile.
Il y a certains renoncements, ou une forme de renoncement. Ce qui semble logique semble contourner ce qui ne l'est pas pour donner naissance à la création, confrontation . C'est convaincre l'autre en cherchant à faire passer une image:discours, chant, parole, écriture, etc...
Ce qui est recherché doit laisser une trace invisible en nous : émotion ou sentiment.
Rechercher à vivre, l'espace de quelques instants à travers les autres. Et là, ce que nous recherchons est trouvé...
Les mots me manquent pour décrire certaines émotions, ou autre quêtes envers moi-même. Ainsi, décrire mon rapport à la peinture est trés particulier. Comme un automate, je recherche l'instant, ou le moment, si dur à venir,si particulier, ou mon âme semble se détacher de tous mes soucis terrestres pour frôler l'inconnu, chercher ce qui n'a pas de nom, pour cotoyer au plus prés la lumière au milieu des étoiles... Une seule certitude-S'il en est une Est la véracité de mon travail Et cet enfoncement dans le chaos Profond...Profond Je l'ai déjà dit Je l'ai déja écrit Je ne crains pas la mort Elle m'habite Et dans mon petit atelier Entre mur et béton Au milieu de nulle part Isolé, ma création Prend d'autres directions Elle prend son envol Au début de sa source Dans un songe dur et infini En toute discrétion Comme Pierre Brueghel l'ancien, Je suis aussi passionné par les multiplicités innombrables, les particules dansantes, tous les chemins entremêlant les travaux et les fêtes,l'homme et le cosmos.
Il y a quelque chose dans ma tête qui fourmille. Tout ce qui touche au sacré va devenir de plus en plus absent, ou disparaître, comme chez Jerôme Bosch. Tout Dieu semble absent, et au niveau de certains de mes dessins,ou mes créatures s'agitent. Il me faut entretenir la machine de la création, et j'ai peur de la feuille blanche. Il me faut la sauver du chaos, qui ici monte comme à l'image d'un nouveau déluge, ou je retrouve le mal, qui est caracréristique et interne à l'homme, d'ou souvent, j'ai en moi une profonde désillusion: tout me semble à la fois intense et vain. La Terre me semble fragile, proche du chaos et du gouffre. Je laisse faire le hasard, tout comme peut-être, la nature. Mon travail devient alors infini, et cela, pour moi à du sens. J'ai aussi besoin de stupeur, pour pousser encore plus loin mes observations. Il me faut, cependant un écart, un petit déséquilibre au sein du visible réel à mes yeux pour que s'ébranle tout ce jeu de dominos. Il me semble le voir écarquillé et se diffracter à l'infini par ce qui est l'objectif. Je ne compte plus alors les connexions, tout comme les disjonctions. Impossible pour moi de les maîtriser en les comptabilisant, peut-être en y faisant surgir une forme...La catastrophe peut être alors partout, comme elle n'agirait nulle-part.
L'expression naît donc comme une opération de structuration. Comment être explicite, pour présenter et décrire mon attitude consistant à peindre de manière automatique, à l'image d'une machine ? Comment rendre visible une émotion, et exprimer l'âme dans ce qu'elle a de plus trouble? Par, et dans la couleur, là ou le temps refuse de se rompre, ou se corrompre, là ou l'espace efface les distances. Pour moi, la peinture est celle qui incite les mots à entrer dans l'ombre, à se voiler, celle qui rend muette les voix, et qui s'adresse aux sens.
Là ou les lignes deviennent sinueuses, et cassent l'angle droit , ou les forment se meuvent (et s'inspirent)en songe, pour percevoir et mieux comprendre ce qu'"être" veut dire. Donc, au commencement, il y a l'écriture, qui utilise une syntaxe, une trame, pour qui le récit lui-même déconstruit fonctionne. J'invente des personnages, des formes colorées,et je me mets en scène, fragmenté comme une histoire ou seule la poésie, à mots couverts, peut traduire mes états d'âme, accéder au sens caché des choses, et rendre compte du hasard, et défier les règles établies. Pas d'intrigues, ni même de messages, mais déjà la tentative d'une écriture imagée, unique, qui se cherche et se définit seule.
C'est ici que sans doute le dessin marque la transition : du trait tremblé à l'empreinte, du signe à la lettre, du jet à la tache, et de l'encre noire à la couleur. C'est savoir écrire autrement, m'inventer un langage autonome pour accéder à une émotion pure, transparente. C'est écrire pour dessiner, et dessiner pour peindre, et peindre pour s'inscrire, le tout voulant marquer une empreinte: laisser une trace indélébile. Oui, la peinture est bien l'aboutissement d'une longue quête qui mène à un sentiment suprême, mais qui n'est pas trés long, celui d'une fusion entre le corps et l'esprit, et qui débouche à me transformer en peintre-machine, et à peindre de façon automatique. Une lutte effrénée entre dire et faire, donner et recevoir, de perdre et trouver, se trouver par le geste, et par cet engagement dans l'espace, par cette volonté, aussi, de figer une somme d'énergie, pour mieux en rendre compte. Une énergie qui puise sa force dans cet automatisme, cette forme d'écriture automatique, qui me transforme en peintre-machine. Oui, c'est un combat presque à main nue, et qui révèle une intimité partagée.
La peinture, l'acte de peindre est donc une surface d'inscription ou peuvent naître des eccéités chez moi, suite d'événements qui se définissent par des transformations et des essences nomades, comme des danses de particules, toutes les intensités qui font corpsSouvent, j'ai tendance à croire au désir des gens, et souvent, je pense qu'il produit des libertés, mais le plus souvent, je m'en méfie, quand je le trouve aliéné. Je pense que le désir ne se trompe jamais, car il se doit d'être le passeur principal des intensités corpusculaires, tout comme la vie, aussi. Seules la question du cosmos et celle du devenir de l'univers sont pertinentes. Je suis conscient que l'humanité est fragile: l'expressivité de l'oeuvre d'un artiste en est la conscience et le reflet.
Ce qui brille n'est aussi qu'une image. On ne sait pas vraiment ce nous recherchons. Une peur du vide est en nous, et ce qui est recherché est une forme d'équilibre, pour ne pas tomber vers l'inconnu.Ne pas passer à côté de toutes choses. Si la peinture se donnait à voir, l'image et la forme qu'elle renvoyait à travers les temps n'était que trop claire, et trop certaine. La peinture abstraite, ou automatique, renvoyait à la quête originelle : dans le brouillard, l'artiste se construit au possible. Quand tout n'est plus clair, rien n'est plus certain. L'incertitude nous pousse à aller plus loin, et à lever le voile de mystère qui est en nous. L'artiste ne cherche pas que à faire, et ce qui est la création doit passer par une part d'ombre conséquente, qui est propre à l'artiste, et au créateur.