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23 novembre 2011 3 23 /11 /novembre /2011 11:38

(Suite du texte trouvable plus bas... "Obscur à soi-même, Journal d'un artiste 1)

 

On lui avait donné le surnom de Bobo car on pensait qu'il se faisait bien du mal, avec sa sacrée histoire, son vrai prénom était Bruno, mais c'était comme ça...

 

Il y avait un certain Yvan, aussi, qui lui était l'homme sans âge. Il racontait à qui voulait bien l'entendre qu'il jouait jadis aux morpions avec Napoléon, sous un bivouac. Il se disputait souvent avec Bobo, car il racontait que c'était un imposteur. Sinon, Yvan racontait avec joie qu'il avait connu Charlemagne, qu'il décrivait être un ivrogne, et puis, pour le reste de ses rencontres dans le temps, ça ne se terminait jamais...

 

Et enfin, il y avait Saturnin, un grand gaillard de deux mètres qui prétendait être l'homme le plus jeune du monde. C'était vraiment n'importe quoi, car à le regarder, on lui donnait bien au moins soixante dix piges, à tout casser...

 

Mais il insistait, c'était lui l'homme le plus jeune du monde, et il n'en démordait pas. On avait bien essayé de le placer à l'hospice, avec des vieux de son âge, mais ça ne marchait pas : Yvan avait fait une grosse dépression carabinée.

 

Depuis, il était là, "soigné " d'un point de vue officiel. Avec les autres, il continuait de raconter son histoire, et les autres racontaient eux mêmes leurs histoires...

 

Il n'y avait personne pour croire à de telles sornettes. Sauf eux. Encore que, Yvan tourmentait Bobo, car il prétendait que Bobo était un imposteur, car il avait connu lui-même le "grand" Napoléon...

 

Quand j'ai commencé à monter mon atelier dessin à l'asile, Yvette était bien agitée. Souvent, elle poussait des cris, et elle remuait des mains. J'ai alors souhaité en savoir plus, et elle m'avait racontée que comme elle était une "flaque" d'eau, elle et le dessin, ça pouvait pas faire...

 

J'ai alors trouvé une solution, en achetant de la peinture liquide, et puis, ç'était prévu dans la liste du budget que m'avait accordé Mr le docteur Formol, directeur de l'asile. En plus, je savais que c'était de la peinture à l'eau. Donc, c'était trés bien...  

 

Yvette était alors dans son élément. Trop peut-être. Elle fonçait sur la feuille de papier grand format placée à terre, en s'enduisant de peinture... Et aprés chaque séance, c'était la douche.

 

Il y avait des variantes, et souvent, elle poussait le cri du crapaud. Le docteur Formol semblait trés satisfait.

 

Les autres cas semblaient plus difficiles...Aprés des séances d'électrochocs, ou autres séances de conditionnements, j'avais carte libre pour lancer un projet culturel. C'était chouette!

 

La folie était une forme de perdition, et elle m'intéressait beaucoup. dans ce qui était l'esprit, il y avait une rupture, et il y avait chez ces gens quelque chose qui me touchait, mais qui ne s'expliquait pas. ils étaient peut-être prisonniers du temps, ou bien d'eux-mêmes...

 

J'ai alors découvert Yvan un peu plus. Au juste, il ne savait pas quel âge il avait. Il pensait cependant qu'il avait plus de cinq mille ans. Yvan expliquait que aprés ce qui correspondait à l'espace d'une vie d'homme, il aimait bien faire un break dans le désert, ou les forêts de Sibérie, pour une période de quarante ans. Alors, forcément, il ne pouvait pas être partout, et il y a donc des périodes historiques ou de grands personnages qu'il n'avait pas connu. Ainsi, par exemple, il avait raté la révolution Française, et c'était Napoléon en personne qui lui avait annoncé la nouvelle quand il l'avait croisé sur le pont d'Arcole, et lui, au contraire de Bobo, ce" minable de Bobo, il l'avait vraiment rencontré...  

 

Tiens...Si il avait déjà rencontré Napoléon sur le pont d'Arcole, ça voulait dire qu'il l'avait rencontré ensuite, Yvan avait parlé de "bivouac", donc, il fallait en savoir plus...

-Effectivement, je l'ai rencontré une seconde fois, c'était en 1815 à Waterloo. Je m'en souviens comme si c'était hier...Le grand Bonaparte de Napoléon avait une forte rage de dents, et c'était ça qui lui avait fait perdre la bataille, me raconta alors Yvan. J'ignore si Napoléon avait eu une rage de dents, mais Yvan commençait  à me faire peur.

 

Je lui avait alors passé des feuilles de dessin, ou il s'amusait à dessiner des légions d'honneur, et des aigles. Yvette devenait de plus en plus inquiétante, en poussant de plus en plus des cris de crapaud. Maintenant, elle envisageait en plus d'être une flaque d'eau, d'être une serpillère. Toute la peinture à l'eau ou la gouache passait par terre. Elle trainait là, et fonçait sur le parterre comme si elle était à une compétition de formule1, mais ce n'était pas mon objectif. Pour moi, c'était par une forme de loisir de faire en sorte de la changer, et non d'empirer les choses, ce qui pouvait être le cas. C'est alors que j'ai trouvé une superbe solution. J'ai acheté de grandes feuilles, et même si c'était la crise, ça entrait parfaitement dans le budget que m'avait accordé l'asile. Yvette projetait tout son corps sur la grande feuille de papier. Je crois qu'on avait donné à ça le nom de anthropomorphie, mais je doute. Dans tous les cas, Yvette pratiquait le Body-Art. Un journaliste du canard local était passé, et avait écrit un article. Il fut suivi de beaucoup d'autres.

Sereine, Yvette, du haut de ses soixante-cinq ans pouvait envisager un second plan de carriére  bien mérité. Elle devint ainsi une artiste d'art contemporain réputée en ce qui concerne le Body-Art. Mais souvent, ça pouvait aller trés loin. Ainsi, recouverte de peinture fraîche, elle voulut un jour se jeter sur le président de la république, et le souiller de peinture bleue. Mais ce n'est pas contre le président de la république qu'elle fut projetée, mais contre ses gardes du corps. Il y eut alors une polémique: les dérives de l'art contemporain. Du coup, le président de la république en profita pour fortement diminuer le budget du ministére de la culture, et furieux, il déclara : "l'art ne sert à rien !"

 

Aussitôt placée en hospice, Yvette n'en démorda rien de sa verve artistique. Ainsi, elle travaillait volontier avec les infirmiéres, "les hospiciéres", comme elle disait.

 

Yvan avait beaucoup de jalousie que Yvette soit devenue une artiste. Il racontait à qui voulait l'entendre que Napoléon, donc lui, était un mécène de l'art. Donc, en principe, Yvan n'était pas opposé à faire de l'art. Mais il voulait faire du David, le grand artiste peintre de la révolution et de l'ére Napoléonienne. Mais Yvan était nul en dessin. ça le frustrait. Je lui ai alors dit qu'on pouvait faire de l'art sans savoir dessiner...ça tombait bien, l'ex-femme de Yvan lui avait acheté un camescope, et j'ai aussitôt parlé de l'art vidéo à celui-ci. Il était trés enthousiasmé.

 

Yvan souhaitait faire des "Performances", pratique artistique alors trés en vogue dans l'art contemporain. Yvan me demandait de le filmer. Son travail artistique se limitait à provoquer des commerçants, ou des agents de la force publique. Par exemple, devant l'étal d'un marchand de fruits, il mangeait des pommes jusqu'a ce que le commerçant réagisse. Génétalement, ils étaient fous furieux, et encore plus fous que Yvan lui-même. Certains méritaient l'asile, et c'était certain, mais... C'était Yvan le fou. Il se plaisait dans cet art là, et il avait demandé au docteur Formol de s'incrire dans une école des Beaux-Arts. Le docteur Formol avait accepté, et bien que fou, le discours d'Yvan devenait de plus en plus cohérent. Le docteur Formol m'avait raconté avoir des doutes sur la démence dont était victime Yvan. Formol pensait que Yvan se moquait des gens, et que c'était un simulateur, et le pas n'était pas grand pour parler de "provocateur". 

 

Avec les semaines, l'asile avait tendance à devenir de plus en plus , ou à ressembler à un centre d'art. Il restait à aborder le cas de Saturnin.  Avec ses deux métres de hauteur, et ses cinquante cinq ans, Saturnin prétendait être l'homme le plus jeune du monde...C'était trés curieux. Il est vrai que la première chose que je lui ai demandé, c'était de savoir pourquoi il prétendait ça...Saturnin m'avait répondu que pour son âge, il était trés sportif. Mais ça n'expliquait pas tout. Furieux, Saturnin avait sorti son doudou, une sorte d'ours en peluche...Mais ce n'était pas convainquant.

-Hein ? Pourtant quand qu'j'ai pointé aux trois jours pour l'armée, c'est avec le même doudou que j'y ai pointé. Et que j'en raconte que les militaires, et bien, ils m'ont réformé ! me raconta Saturnin, encore plus furieux.

 

Mais c'était toujours pas assez pour expliquer, et le convaincre de la raison de son internement. Et c'est alors, que avec surprise qu'il me raconta une autre histoire :

-Ma foi, ben oui... Tu vois Picasso ? Moi j'y ai lu dans ses orbites, dans son esprit. Son p'tit rêve à lui, c'était de redevenir un minot. Toi l'artiste, moi je vais te parler de culture...Bien Picasso, paix à son âme, son grand projet, c'était de faire des dessins comme les mouflets. Mais c'était trop dur, et le Picasso, ben, il est mort tout dégouté... Moi je l'ai trouvé le grand secret. Moi, quand j'étais un minot, mes dessins, c'était des spirales, alors, j'ai pris des feuilles de papiers, et j'ai fait des spirales. Point. J'ai plus rien à apprendre, j'y suis redevenu un minot, j'suis l'homme et le quidam le plus jeune du monde, et voilà...

 

Il faut donc ajouter que Saturnin pratiquait le dessin avant les autres, ou plus qu'eux, à de nombreux égards...

 

Son histoire ne tenait pas la route, mais j'étais bien décidé à faire dessiner autre chose que des spirales à Saturnin. Mais c'était bien difficile, et il me mordait quand je le forçait à faire autre chose.

 

Alors, j'ai parlé avec Saturnin de l'enfance, de son enfance, des dessins et peintures d'enfants, et je lui ai montré des exemples. C'était dur de discuter avec lui, mais il y avait un rapport de confiance qui se mettait en place.

Finalement, Saturnin trouvait que c'était pas si idiot que ça que de faire autre chose...

 

Un jour, Saturnin à pris des pinceaux, et il a recouvert de peintures de grandes planches, il y avait beaucoup de couleurs, et ses peintures abstraites étaient magnifiques.

 

Un expert en art était passé, et il avait estimé que Saturnin réalisait des oeuvres d'art "brut", "une forme d' art propre aux malades mentaux" . Saturnin, furieux, avait cassé la figure à l'expert, et celui-ci avait rapidement modifié son avis : Saturnin était désormais considéré comme  un artiste d'art contemporain à part entiére, et de plein ordre. Certains parlaient de manipulation, alors, Saturnin, furieux, était monté à Paris "casser la figure", et faire des "bobos" aux experts de l'art qui lui fesaient de l'ombre. Considéré comme un tyran, Saturnin fut par la suite trés craint du milieu de l'art, mais il n'en démordait pas. Pour moi, c'était compliqué, et le docteur Formol ne manquait pas de me critiquer, car pour lui, ce qui se passait dans l'asile commençait à remettre en cause ses méthodes de travail. Pour arranger le coup, à ma grande surprise, le docteur Formol voulait "porter le chapeau". En bref, si je voulais continuer à bosser dans l'asile, fallait dire que c'était lui, le docteur Formol qui me demandait de mettre en oeuvre cet atelier artistique, qui avait pour but de faire du "social" avec des fous. C'était une étrange forme d'imposture... 

 

Yvan le fou, à ma grande surprise, la semaine suivante, avait lancé une tarte à la crême à la figure du docteur Formol, qui furieux, l'avait passé aussitôt aux électrochocs, et ça n'avait pas arrangé les choses. 

Les fous devenaient de plus en plus fous, et se méfiaient de plus en plus du docteur Formol, qui était considéré comme un tyran. Certains racontaient que le docteur était encore plus fou que les fous, mais rien n'était évident. 

Moi, au milieu de tout ce petit monde, j'étais de plus en plus oublié, de plus en plus isolé, plus les fous devenaient des créateurs aux grands coeurs de provocateurs .

 

Finalement, la conclusion de cet épisode de l'asile fut sans lendemain. Les infirmiers étaient devenus encore plus fous que les fous eux-mêmes, et le directeur était encore plus fou que les deux groupes. Donc, pour moi, il n'était plus question d'être payé pour mes menus services. En allant voir le docteur pour un paiement de plus en plus compromis, la folie se lisait et était visible de plus en plus en allant à son bureau. Le docteur Formol se croyait désormais pour l'"élu", ou le "nouveau Jésus Christ". Ce fourbe et dément m'attendait avec une perçeuse électrique derrière la porte de son bureau. En partant à ma poursuite, la prise de ce terrible appareil se débrancha, et se trouvant bien seul face à moi, et idiot, le docteur démenta être un dément, se considérant comme "normal". 

 

Le petit monde de la folie commençait à me peser, quand le docteur Formol me fit une drôle de proposition :

 

-Par pitié, il faut que mes patients redeviennent fous. Nous sommes en période de crise, et si je n'ai plus de patients, il n'y a donc plus d'asile, donc plus du tout des fous, et moi, je me retrouve sans travail. Il faut de tout pour faire un monde, et il faut des fous aussi, même si il y a de plus grands fous sur terre, et faire revenir l'asile, c'est pas du tout contraire à votre objectif, qui est d'épanouir par l'art...

 

Moi, à entendre ça, je lui ai dit que c'était vraiment un cinglé, et qu'il fesait pitié, et que c'était vraiment lui le cinglé, même si c'était le système qui avait tendance à aller au plus mal.

 

Et je suis rentré chez moi, pour écouter, ou re-entendre la parole des enfants ou des plus jeunes, ou il était question chez eux de voir, ou de construire un autre monde, plus simple, avec moins de stress, et plus joyeux.

Pour dire, que dans le fond, moi aussi j'avais oublié mes rêves, ou plus précisément une autre façon de voir le monde. Il y a des changements dans tous les recoins ou tournants des chemins, et j'ai appris que en devenant adulte, l'homme devenait plus sombre, et plus amer. Celui qui parlait jadis, à un autre avec aise, se voyait maintenant être incompris, l'autre ne l'écoutant plus, étant devenu distant, comme si il suivait les années, le temps ayant creusé un immense fossé, comme cet exemple pouvait être à lui seul un exemple, comme d'autres. 

 

C'était la crise...Et les gens se plaignaient que les fous aient des pratiques artistiques. Certains demandaient avec insistance de faire travailler les fous. Pour remédier au probléme, le docteur Formol utlisait le plus souvent possible les électrochocs. Et puis, ce n'était pas suffisant, non, ce n'était pas assez, les gens racontaient que "l'art, ça ne servait à rien", et que les enfants ne devaient pas faire de l'art, en projetant de la peinture sur de grandes planches, car c'était pas normal. Un jour, une vieille dame, en promenant ses deux chiens me traita de "parasite", en me racontant que l'art, c'était fait pour les malades mentaux, et que des gens comme moi n'avaient rien à faire avec des enfants, et que des gens comme moi devaient être placés dans un asile, passés aux electrochocs. ça tombait bien, et j'ai alors parlé de l'asile, mais ça n'avait pas l'air de réjouir la vieille dame. 

 

Avec la crise, ça devenait de plus en plus dur d'organiser un atelier artistique de culture urbaine avec des enfants. La police passait réguliérement, pour vérifier mes papiers. Aux dernières nouvelles, un grand fou, avec des enfants, peignait du grand n'importe quoi...De la peinture était projetée contre des planches. Certains pensaient que c'était bien malsain. Une milice populaire de citoyens passait réguliérement, et mettait par terre les planches, car l'art pratiqué ne convenait pas,c'était un prétexte et que c'était contre la morale...Je crois. On m'a ensuite coupé les budgets, de sorte qu'il n'y avait plus de peinture...Plus rien ! Il fallait être aux normes...

 

C'est alors qu'un grand événement intervint. Tous les fous de l'asile s'étaient évadés, et la raison principale, qui était avancée, était que le docteur Formol utilisait beaucoup trop les électrochocs sur eux. De plus, une nouvelle machine, plus performante était arrivée : elle ressemblait à une chaise électrique, et il y avait même une éponge qui allait avec. Aussi, avec la crise, l'asile était depuis quelques temps bien rempli. Avec les nombreuses dénonciations, de nombreuses personnes étaient maintenant internées, avec des profils différents. Certains n'étaient pas si fous que cela, et pour ainsi dire, pas fous du tout. Avec les machines à électrochocs, donc, ils n'avaient pas du tout l'envie de devenir fous vraiment. Mais ce qui devenait inquiétant, ces derniers jours, c'était de voir des gens, réputés délateurs, internés à leurs tours...Bref, on ne savait plus vraiment qui était fou ou non.

 

La crise engendrait beaucoup de tensions, et je crois bien que le monde devenait fou, et peut-être moi avec lui. Alors, pour remédier à tout cela, j'ai repris le dessin en dessinant des monstres rigolos. J'ai crée des scénes de délire, des scénes Apocalyptiques, et finalement, c'était plutôt drôle à concevoir, et puis, ça changeait les idées. Voir ce monde de fous m'encourageait à l'interpréter de façon différente. Au bout du compte, j'étais pas si fou que cela, et mes petites histoires en dessins ressemblaient à ce monde immonde. à regarder de plus prés, l'homme dans son histoire, et dans l'histoire du monde au sens le plus large, se cherchait bien des histoires... Du moins, il était vraiment trés fort pour compliquer les choses. Mais je pense que ça avait du sens, le monde avait toujours tourné ainsi. Il était à l'image de l'homme, et si celui-ci était malade, tout le monde plus ou moins devait suivre. C'était comme une image, et moi, quelque-part, j'ai aussi reproduit des images, ma vision du monde. 

 

Un monde de cauchemar...Oui, c'était un monde de cauchemar que voyait défiler mes rêves. Je n'avait jamais envisagé de voir une société idéale, ou l'envisager, mais tout arrivait en vrac, et en même temps, ce qui n'était pas évident, loin de là, à gérer. Un matin, j'ai reçu un coup de téléphone de l'asile, du centre Saint-Paul. Le docteur Formol me donna un rendez-vous à propos de mon salaire et du paiement. Tiens...Sur le coup, effectivement, j'avais oublié de demander mon salaire. Qu'importe! ces prochains jours, j'allai bien finir par le réclamer ! 

 

Je suis donc retourné à cette maison de fous. Le docteur Formol était là, bien présent. Il semblait de plus en plus dingue, de plus en plus fou. 

-Vous savez, c'est la crise. Donc pour vous, pas question de vous verser un salaire...Voilà...

 

C'était scandaleux ! oui scandaleux de voir tout un investissement ainsi partir en fumée ! Donc, sir le coup, c'était moi qui était devenu un fou furieux, pour demander mon reste, ce salaire de misére...

 

La gendarmerie est arrivée, et j'ai tout de suite raconté que le docteur Formol était non seulement un fou, mais un escroc. Pour résoudre mon "probléme", le versement d'un salaire, donc, s'imposait. 

Aprés avoir parlé avec le docteur, l'un des représentants de la gendarmerie vint vers moi:

-Mais Monsieur...Il faut comprendre que c'est la crise! Vous savez, c'est dur pour tout le monde...Vous n'avez qu'a aller à la soupe populaire!

 

Sur-ce, j'ai estimé que il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond, et l'espace d'un instant, j'ai médité. Si la terre ne tournait pas vraiment rond, j'ai remarqué que souvent, le monde, le pouvoir, pouvait appartenir aux plus fous, et c'était une question de logique. Donc, je suis devenu moi aussi un fou furieux en puissance, pour faire valoir mes droits bafoués. J'ai alors foncé comme un dément sur les gendarmes, mais en priorité sur le docteur, et j'ai simulé un grain de folie ordinaire. Ensuite, j'ai démenti être un dément, mais le mal était fait. 

 

Mais j'ai eu gain de cause. On voulait m'interner, et j'ai plaidé que c'était arbitraire. C'était peut-être vraiment fou de dire cela, mais cependant, ça avait bigrement bien marché. Un jour, comme par magie, j'ai fini par recevoir mon salaire. C'était étrange, mais sans avoir jamais rien demandé, mais avec de la colére,comme l'éclair, tout finissait par aboutir.

 

C'était vraiment rigolo, mais surtout trés audacieux, et donc, de surcroît, ça me parlait beaucoup. Avec ce grain de folie, c'était peut-être constructif de transposer tout cela sur mes dessins artistiques...Pourquoi pas ? Aprés tout, ils pouvaient devenir plus rigolos. Alors, ce qui était dit, ou plutôt pensé, fut fait: le petit monde de mes personnages devint franchement dingue. J'ai mis beaucoup plus de stress, quelques larmes, avec des scénes invraisemblables. Bref, une histoire, à l'infini, qui ne tenait pas debout. C'était peut-être une vision, ou une histoire de la folie ordinaire...

 

Cependant, c'était pour moi une vue imposée, mais qui s'imposait. En définitive, ma démarche était de suivre mon époque. La crise générait un scénario trés particulier, et à interpréter, transposer délicatement. Histoire de confiance...

 

La confiance était effectivement un grand mot. Ainsi, j'ai constaté que pour entreprendre la création d'une oeuvre, le manque de confiance était bien présent. à vrai dire, c'est dur à expliquer, mais j'ai le sentiment de ne pas avoir envie de dessiner...Oui, il n'y a pas de désir, et pas d'envie. Si je dessine, la passion n'est pas présente, et en plus, avant de m'y mettre, j'ai pas mal hésité. C'est plutôt de la necessité. J'ai remarqué une forme d'absence...Oui, c'est cela, de l'absence. Je dessine, mais j'ai le sentiment d'avoir au dessus de moi un grand vide, que j'ai bien du mal à définir, et il ne se passe rien, et c'est ainsi...J'ai peut-être des attentes, mais elles n'arrivent jamais. Je dessine comme je peux, avec le souci de faire toujours mieux, ou plus. Je regarde toujours autour de moi, j'observe mon époque, mais mon regard, toujours plus curieux n'est jamais satisfait.

 

Il y avait peut-être un coup de péssimisme, ou de la déprime, mais c'était comme ça...Il faut dire que les temps devenaient inquiétants, et que mon regard commençait à voir plus loin...Mais de là à me dire que je me faisais des idées, il n'y avait qu'un pas. Un jour, j'ai croisé une mamie qui promenait ses chiens...Oui, de grands toutous, de sacrés clébards. Il y avait un grand Saint-Bernard, et un petit Cocker. La mamie pestait contre moi à l'occasion d'une séance de l'atelier peinture avec des enfants :

-Les mouflets, il faut les envoyer en apprentissages ! la peinture, bon dieu ! ça sert à rien! c'est du grand n'importe quoi! mon dieu !  Qu'elle disait...

-C'est un monde tout de même ! Ils vont mal tourner les minots ! mon dieu!c'est qu' ils sont tous petits ! 

Et j'ai répliqué : -C'est du loisir Madame, ici c'est un centre de loisirs...Pour l'apprentissage, faut voir ailleurs, c'est vrai qu'ils sont tous petits les minots, mais vous trouvez pas que l'apprentissage, ce serait mieux pour plus tard ? 

-Insolent ! Insolent ! Mon dieu! mon dieu! Allez Malabar, attaque !!! 

 

C'était le gros Saint-Bernard qui fonça sur moi. Mais la bestiole était loin d'être agressive. Au contraire, le gros chien s'étira sur moi, posa ses deux grosses pates sur mes épaules. Il était tout joyeux, le Malabar, et semblait content d'être là. Dans le fond, c'était un bon copain, ou plutôt un nouveau copain que j'ai trouvé en ce jour, assez différent d'un autre.

-Bon sang ! V'la que le Malabar il fait ami-ami avec le fourbe ! Oui! le fou dangereux du quartier !

 

C'était une situation bien locasse, mais je suis resté diplomate, en bons termes avec le chien, le nommé Malabar.

La dame est rentrée folle furieuse chez elle, mais ce n'était pas fini pour autant. Elle m'avait envoyée son mari,ivre et c'était ma foi, plus compliqué :

-Moucheron ! dégénéré qu'est ce que tu as dit à la patronne ? Hé? Tu as lancé des éffluves ? Hé ? 

-Mais non ! c'est juste que votre femme ne comprend pas ! ici, c'est un centre de loisirs, c'est à dire un endroit différent de l'école ou d'autres lieux, et en plus, c'est plutôt pour les plus jeunes, et votre femme parle d'apprentissage...Il y a donc erreur...

-Hé? Qu'est-ce que c'est qu'ça ! des horreurs! voui! voui! des horreurs! jeter de la peinture sur des planches, c'est d'l'art ça? c'est des horreurs que j't'ai dit ! hein? toi le fou! 

-N'importe quoi ! vous ne comprenez rien ! alors, si j'ai bien compris, les minots ne doivent rien faire! c'est ça ? 

-Hein? Hein? Bien sûr ! c'est comme ça qu'ils deviennent des délinquants, les mouflets, quand ça devient plus grand aprés, ça perd la notion d'respect, v'la! alors, faut prendre la ceinture! faut faire comme dans l'ancien temps de jadis! Purée!!! 

Inutile d'aller plus loin, mais cependant, je lui ai dit qu'il se trompait de sujet, et j'ai parlé d'autre chose, ce jour là, et de jardinage. ça semblait l'interesser, et puis, ça tombait bien. Rien de tel pour apaiser les esprits. De plus, il était partant pour jardiner. Fallait bien trouver une solution tout de même. 

 

J'ai donc continué à porter mon regard, et mon analyse artistique de la crise, et j'ai trouvé qu'il y avait du grand n'importe quoi, certain diraient "un grand bordel"...Oui, il y avait un grand délire, du grand bazar...

Finalement, c'était plutôt positif pour moi, et ma création...Et puis, ça m'inspirait vraiment, pour créer des scènes avec de nombreux personnages tous aussi dingues les uns des autres. Mais ce n'était pas assez, et j'ai donc rajouté des monstres par la suite, peut-être pour montrer ce qui ne se montrait pas. à penser beaucoup, il est vrai que j'avais mon regard à propos des faits de société, mais souvent, les mots me manquaient pour décrire, ou comme je l'ai dit souvent, mon regard ne portait pas assez loin. Les monstres montraient sans doute ce qui pouvait se décrire difficilement, ou montrer ce qui était invisible, et tout cela me troublait beaucoup. Ce que mon regard pouvait voir, mon esprir avait de la peine à l'analyser, et pourtant, mon sentiment, comme ma volonté était d'aller jusqu'au bout, mettre des noms sur les choses, ou décrire. C'était comme me mettre dans la situation de dessiner, pour ensuite avoir peur de ne pas savoir dessiner...Bref, avoir peur de ne pas aller jusqu'au bout de ce qui est pourtant trés simple ! 

Peut-être que le décalage jouait beaucoup, et que la distance était trop éloignée de ce qui était la réalité. Il y avait peut-être du Jerôme Bosch là dedans, mais ça remuait superbement les méninges. Les bras m'en tombaient, et il me semblait que j'étais perdu en mon époque, et tout ce qui était moderne m'était finalement superflu. Le monde tournait mal, et ma vie tournait avec lui comme un disque sans fin. C'était à quoi correspondait ma vision trouble et péssimiste. Les mots étaient enfin mis, et placés comme il le fallait. 

 

Il y avait un ordre, mais ma volonté était à la traine, et à force de suivre, tout me semblait trés loin, comme un long voyage interminable. L'artiste se doit de toujours avoir des idées, mais moi, j'avais peur de ne plus en avoir un jour. à travers les jours, c'était construire mon monde, comme un architecte, un monde qui remplaçait le précédent, trop petit. Je n'ai pas compté, mais j'ai toujours espéré, comme voir naître un monde idéal. Enfant, mes rêves se comptaient par milliers...Oui, c'était ça l'enfance, mais en devenant adulte, le monde qui s'ouvrait devant moi m'apporta bien des déceptions, tout en n'ayant pas oublié l'enfant qui avait été en moi. C'était sans doute ce qui expliquait chez moi, cette recherche frénétique de l'inconnu. La définition de l'artiste devrait être ainsi : explorer du regard le monde, et rechercher l'inconnu, ce qui ne se trouve pas, ici bas, sur terre, comme  chercher à trouver un jour une porte, qui ne s'ouvrira jamais. Le vrai artiste, au plus vrai, doit être une personne isolée, avec une grande souffrance, pour trouver qielque chose qui se situe entre le ciel et la terre, et il parle pour lui, tout en cherchant toujours à se faire comprendre. L'artiste véritable ne cherche pas à ressembler, mais à sembler être, une personne avec un fort potentiel de vie. L'artiste, ainsi, médite, et trouve non seulement de l'ordre dans ses idées, mais arrive à trouver une solution pour être serein avec le sens de la vie.

 

La crise agissait ainsi comme une tempête, et moi, comme un marin, de ma proue, mon regard scrutait ce qui allait mal. Ce qui était le plus dur finissait par rejoindre ce qui était le plus doux, les rires laissaient la place aux pleurs, la violence laissait la place à la fraternité. Les extrêmes se rejoignaient , pour ne finalement ressembler qu'à un même ensemble. Il n'y avait donc plus de limites, alors donc, pourquoi m'en mettre à moi-même? 

Les rêves les plus fous m'étaient alors accessibles, et ma raison arrivait à supplanter tout ce qui pouvait me faire des obstacle. Un juste équilibre s'instaurait pour me permettre d'établir les limites entre le bien et le mal . L'eau chaude, ou l'eau chaude, c'était finalement la même chose, mais avec deux extrêmes. L'équilibre du monde était ainsi, et la magie de l'artiste était donc de décoder, de trouver les codes pour pouvoir lire, ou donner une traduction, qui pouvait être discutée par d'autres, mais qui pouvait toujours être remise en cause.    

 

Et puis, c'était trés important de penser ainsi. Comme un médecin, c'était soigner cependant ce qui était invisible, ce qui ne se voyait pas. Une douleur profonde mais universelle, dont le nom était inconnu. 

 

C'était suivre un chemin en solitaire, comme suivre les rails d'un train pour enfin, un jour, trouver une gare. Mais j'ai laissé quelque chose derrière moi, mais qui au fond de moi était toujours proche de moi. Le chemin était peut-être long, mais mon espoir était un jour de trouver, car ces chemins d'errances commençaient à être longs et interminables. Le bout du tunnel était long à trouver, mais quand un jour nouveau commençait, j'ai toujours trouvé dans quel sens il fallait aller, même si le chemin n'était pas si évident à trouver. C'était un autre monde qui était cherché, qui était plus lointain que le premier, mais qui restait invisible. Sa distance se mesurait avec le temps, avec les années, les jours, et les heures. C'était aussi un monde abstrait et solitaire, et c'était moi qui le définissait, en construisant mon trajet, et en élaborant mon récit. Et j'ai toujours gardé l'espoir, en ne regardant jamais derrière moi, mais en portant toujours mon regard, loin, vers le soleil. J'ai eu un rêve, un soir qui ressemblait à cette longue route qui ne finissait jamais, ou faire un arrêt était impossible, et ou le ciel voyait les nuages défiler à une vitesse folle, et ou le temps ne se voyait jamais, car il était invisible. Le rêve restait toujours présent, tout comme j'étais toujours resté fidéle à lui, tout comme j'ai entrepris. Le regard des autres n'avait plus de sens pour moi, le temps m'avait donné accés à une porte, et un jour, dans l'un de mes rêve, j'ai vu cette porte, et je suis allé au devant. Elle était fermée, mais un homme était près de moi pour me parler, et me donner les clés pour ouvrir cette porte. quand j'ai ouvert celle-ci, il y avait le ciel, et des nuages sous mes pieds. De ma hauteur, j'ai observé la vie, et il me semblait que tout ce qui était vivant ne pouvait échapper à mon regard. Plus loin de la porte, sur un nuage, il m'avait semblé voir un enfant, assis, mais c'était impossible. Au delà de la porte, sous les nuages, il y avait le vide, et la terre ferme semblait à des milliers de mètres. Mon regard semblait être profond, et l'homme qui était à côté de moi me raconta :

-Ici, c'est la vie vue de haut, entre la Terre et le ciel, et plus haut, c'est un autre ciel, vers d'autres terres, vers ce qui est inconnu. Ce que tu vois en bas n'est pas plus diffèrent de la vie que tu avais ici-bas. Le bleu est resté bleu comme l'est le ciel. En bas, tout change forcément un jour, comme un grand tourbillon emporte tout avec le temps, le paysage change, les civilisations changent et évoluent, ce qui est vu maintenant sera différent dans cent ans, mille ans, mais le temps, lui, ne changera jamais. Invisible, tu trouveras difficilement des mots pour le décrire. Le vent lui ressemble, mais il est toujours de passage, et c'est l'errance éternelle, qui n'indique pas le chemin...Donc, tu dois avoir des certitudes, et vivre avec elles. Ce que tu souhaites faire maintenant, n'attends pas demain pour le faire!

 

Ensuite, l'homme avait disparu, et j'étais seul, dans une sorte de tunnel, assis sur une chaise. Une table était devant moi, avec des feuilles de papiers, ce qui me donnait l'impression d'être un écolier,  et une plume et de l'encre. Quand j'ai regardé les feuilles, elles étaient toutes blanche , et il n'y avait rien qui était écrit dessus. Ce blanc semblait trop pur à mes yeux, et mon regard à regardé de plus près, et c'est à ce moment que je me suis réveillé. 

 

J'ai alors porté mon regard vers la route, qui representait pour moi mon errance. Plus rien n'était complet, et il y avait des fragments qui manquaient à mon histoire. Pour voir si le monde était si petit, je suis parti de nouveau le visiter par mes propres moyens, et par la route, qui elle seule pouvait me raconter une belle histoire. Et j'ai ainsi tracé mon propre chemin. Le monde n'était alors plus petit, ni plus grand, mais il me parlait, comme on parle à un homme. Les mots se trouvaient, au coin d'un carrefour.Dans les pays étrangers, on ne me voyait pas comme un voyageur, mais comme une ombre, un homme perdu qui avançait dans un silence de plomb. Parfois, le voyageur faisait une halte, pour parler avec des autochtones qui ne comprenaient pas sa langue, le voyageur était devenu une autre personne, pour parler avec des gestes et des signes, ou suivre tout simplement dans les regards, ou dans les sons d'une langue inconnue, un message caché. Le moi s'était perdu dans les paysages, pour devenir à l'image d'un caméléon l'illustration de l'errance. La terre inconnue cachait sous un voile épais mille trésors, et le sens de la vie retrouvait sa vraie valeur. On devrait découvrir le monde pour mieux le comprendre, et pour découvrir qui nous sommes, et l'errance ne doit pas laisser la place à l'indifférence. Mon chemin à suivi la route, mon regard étant trop pris à scruter ce qui était devant moi pour aller de l'avant. Avec la seule force de mes pieds, et un sac sur le dos, j'ai traversé des montagnes et des déserts, et j'ai autant connu le froid et la chaleur. La route semblait partout la même, mais le sol était différent. J'ai serpenté un long fleuve, qui n'était pas fait d'eau, mais de terre. Le bout du monde ne semblait pas être pour moi de l'autre extrêmité de la terre, mais ailleurs. Le bout du monde était pour moi une notion abstraite, et donc, il n'existait pas. Mon voyage à pris fin un jour, sur une plage, et la mer, démontée, était devant moi. Le bout du monde était là, devant moi, et j'ai posé mon sac sur le sable, comme un marin pose le sien, en arrivant à un port. Au départ, il y avait un grand silence, mais ce n'était rien qu'une pose du vent, qui revint aussitôt heurter les vagues. Plus rien n'était comme avant, et je me suis retourné pour voir le chemin accompli, pour pouvoir dire et affirmer que le monde était grand, la route partait vers l'infini, et moi, j'étais entre le ciel et la terre, ayant trouvé ce que j'ai vainement cherché. J'étais quelque part en Afrique, quelque part sur la côte Atlantique. Je n'ai pas cherché à savoir en quel pays j'étais. Pour moi, monde n'appartenait à personne, étant quelqu'un de passage. J'ai vu des enfants qui venaient vers moi, et dans la joie, ils me montraient la mer. Celle-ci me semblait être un long fleuve, et les mots ne me suffisaient plus pour décrire mon errance dont la fin était désormais toute proche. Le hasard pour arriver en ce lieu était trés important, tout comme j'ai regardé derrière moi, comme si le passé pouvait se confondre avec de longues distances, le chagrin aidant. Je n'ai pas oublié, et pourtant, c'était hier, et sur la route, j'ai laissé en de multiples endroits une part de moi, et de mon destin. Non, je n'ai rien oublié en suivant ce grand fleuve de la vie, même si c'était trop dur. Je n'ai pas oublié les longues nuits interminables, tout comme les longues nuits sans sommeil. Et puis, il y a cet espace ou les mots ne se trouvent plus, mais que seuls les voyageurs peuvent comprendre. Tout ce qui me paraissait difficile me parut bien vain, et j'ai donc détruit ce mur, avec de le verbe et la parole pour enfin trouver des mots. Quand les mots sont  trouvés il m'est facile de dire que j'ai raté un train, pour ensuite me montrer le chemin à suivre. Mais ce qui était autour de la route restait invisible, caché par un épais brouilard, de sorte qu'il m'était impossible de voir à quelle vitesse allait mon chemin, et puis, le temps m'entrainait dans son sillage, sans me prevenir...Ainsi allait ma route, vers l'invisible. L'absence m'envahissait l'esprit, et la route était toujours non loin de moi pour me rappeller mon errance. Je n'ai pas de remords, sinon de m'être un jour perdu sur la route, pour ensuite y retourner, pour enfin la comprendre. L'oubli rejoignait l'ennui, et l'envie allait de pair avec l'espoir, et j'ai traversé le brouillard pour construire mon monde, à mon image, dans ma solitude, et isolé comme sur une île, j'ai construit mon propre radeau, pour rejoindre la rive du grand fleuve. 

 

Le vent souffle et j'étais en un endroit aride, et en face de moi, il y avait la mer. Ce vent, c'est l'Harmattan, il est chaud et déplace tellement le sable, que tout ce qui est autour de moi devient obscur. J'avais du mal à trouver mon chemin, mais j'ai entendu les vagues de la mer, et pour me guider, j'ai vu devant moi les silhouettes des enfants obscurcies par le sable et les ténébres. Ils étaient  venus me chercher pour me diriger vers un abri. 

 

Je me suis réveillé le lendemain matin dans ce qui ressemblait à une case, ou une tente, dans un village Africain. à côté de moi, était assis un vieillard, qui semblait attendre mon réveil. Il parlait bien ma langue , et m'avait expliqué que j'étais en pays Dogon. Ici, c'était presque le désert, et il m'a expliqué que ce n'était pas la mer que j'avais vue, mais un mirage, et que la mer, elle était loin, plus vers l'est. Le vieillard me racontait que tout avait bien changé en son pays. L'Harmattan, qui transportait le temps semblait tout effacer, et tout rendre en poussières, pour apporter les sables du désert. Dans sa culture, il y avait beaucoup de magie et de rêve, mais les jeunes d'aujourd'hui avaient oubliés leur passén et les vieux comme lui, étaient les gardiens du temple, les derniers témoins de ce qui fut, et qui ne sera plus jamais. J'ai été reçu et acceuilli avec le coeur, et ce vieil homme semblait intégrer ma vie comme dans un rêve? C'était comme une bougie qui s'éteignait, et comme une bibliothèque qui allait flamber, aprés le trépas. En Afrique, je n'ai pas oublié que la perception de la vie, comme de la mort, étaient deux vues trés différentes de celles vues par les blancs.

C'est une vie rude, difficile, en osmose avec la nature. L'Africain au sens large, ne cherche pas à douter. Peut-être que le lendemain, il ne sera plus là, mort je ne sais ou. La vie est vécue au jour le jour, et la vie et la mort ne sont qu'un passage. Qu'il soit Chrétien ou Musulman, l'Africain noir croît en l'esprit, ou à la force des esprits, et il en est ainsi.

L'Afrique est pour moi un étrange continent, aux frontiéres artificielles, aux milles langues, mais qui est en train de perdre son âme. Les vieux sont fatigués, et les jeunes semblent renoncer, pour ressembler aux anciens colonisateurs, alors qu'ils devraient sauver leurs racines. Mais le sable avance, inexorablement, pour combler ces mémoires, et ce qui était vert devient stérile, pour ne laisser place que à une triste comédie, et à des jeux de mirroirs. 

 

Je suis un jour parti du pays des Dogons. Le vieillard était peut-être le plus pauvre des hommes, mais il s'était privé pour me recevoir,et m'aider, moi le voyageur solitaire. Il me parlait sans doute dans le désert, mais il gardait l'espoir. Avec ses mots à lui, il me racontait que le monde devenait un grand village. Les pauvres devenaient de plus en plus pauvres, et les riches devenaient de plus en plus riche. Il me racontait un monde, aussi, qui avait disparu, et ou peut-être, il était l'un des derniers témoins. Il me racontait un temps, de jadis aussi, ou il était encore tout aussi pauvre, mais ou il était heureux. Un monde nouveau était en train de naître, incertain...

 

J'ai donc découvert l'Afrique sauvage et rude, et je suis un jour enfin arrivé à la mer. Tout ce voyage m'avait appris que l'homme ne vivait pas avec des certitudes. Tout ce qui était construit autour de lui n'était qu'une forme s'abstraction, ou un mur, pour que l'homme dissimule sans doute qu'il refusait d'accepter qu'il était un animal comme un autre, pour se dire supérieur. Je suis rentré un jour, aussi, dans mon pays. Mon sentiment était celui d'un observateur qui voyait tout passer trés vite. Mon sentiment était alors de dire qu'il n'y avait plus rien à découvrir. Des parents me racontaient que leurs enfants se réfugiaient derrière des jeux vidéos, et qu'ils ne travaillaient plus à l'école. J'ai vu aussi des gens d'une même famille qui ne se parlaient plus, tout comme j'ai vu des gens pauvres et démunis dans les rues qui étaient de grands solitaires...Ce monde ressemblait de plus en plus à un monde de solitude, ou les frontières commençaient à se materialiser. J'ai vu aussi des personnes dans la douleur s'engager dans une voie pour servir les autres, tout comme j'en ai vu aussi et qui oubliaient une part d'eux-mêmes. J'ai vu l'oubli, tout comme j'ai vu le dialogue impossible, alors que avec des mots, il était possible de se faire comprendre. J'ai vu aussi des hommes qui mettaient des mots sur leurs douleurs, pour tendre une oreille, et aller vers les autres, et qui trouvaient les mots, et les verbes pour dire que le malheur et la souffrance étaient les mêmes notions abstraites que le bien et le mal. Ainsi, tout était en ordre pour faire renaître l'espoir, car tout homme pouvait choisir de faire changer sa vie. Moi, j'ai un jour fait des choix, pour calmer ma douleur, et on ne m'a pas compris, et beaucoup de personnes se sont éloignées de moi. Pourtant, j'ai l'espoir, de trouver un jour les mots justes pour me faire comprendre, et j'ai tendu mon oreille, pour aller vers les autres, vers ceux qui étaient dans la douleur. J'ai fait la part entre le bien et le mal. La liberté des uns s'arrête là ou commence celle des autres. J'ai choisi, et je n'ai aucun remord, et plus le temps passe, plus il me confirme que j'ai fait le bon choix. Ce n'est pas aux autres de me dire qui je suis, mais c'est à moi de décider qui je dois être.

 

Cette même route nous a fuis, tout comme elle nous dirige un jour vers la mort. Comme l'Harmattan, le vent fait en sorte de limiter toute avancée, et nous sommes perdus dans un nuage de poussières. être bien avec soi-même, c'est savoir, s'instruire de ce qu'il y a autour de nous, vouloir, et observer les autres, pour mieux trouver les mots, et donner un sens à notre vie, en négligeant le plus possible ce qui est matériel. Et j'ai repris mes crayons, pour construire un monde qui n'existera jamais, avec mes propres codes. J'ai essayé de me representer l'Harmattan à travers des encres noires, tout comme j'ai essayé de donner un visage à la route, mais la route n'est pas une personne. Celui qui est dans l'errance est le compagnon de route du temps. Parfois, l'errant arrive même à le tutoyer, car il arrive que les deux , le voyageur, et lui, ne soient plus qu'une seule personne, et celle-ci marche, sans se faire remarquer des autres voyageurs, presque incognito. L'errant se fond alors dans le paysage, pour devenir presque invisible. Et même si il est un étranger dans une foule, il arrive qu'on ne le voit pas comme tel, sans doute du fait que les gens ressentent qu'il aime ce pays, et être ici. Au juste et au figuré, l'errant ne connait pas de frontière, car il à le sentiment d'être un citoyen du monde...Une ethnie ou un pays, sont pour lui des notions abstraites, et il ne se sent pas concerné pour identifier des personnes, vu qu'il fuit notre monde moderne pour des raisons qui lui sont propres, ou fuir un passé douloureux. 

Ce qui fait mal semble derrière lui, mais l'errant à toujours cette volonté en lui d'avancer, pour aller toujours plus loin. L'art lui est souvent d'un grand secours, car il est comme une source profonde, ou il plonge dedans, pour s'y perdre. 

 

Pendant des années, j'ai médité, pour mieux me parler de l'intérieur, et j'ai suivi la même voix qui me disait de toujours suivre le même chemin, pour ne pas me perdre, tout comme j'ai regardé les autres, et tout comme j'ai fait des choix, pour trouver des certitudes. Hésiter était me plonger dans l'erreur, et il y avait des fausses vérités qui rejoignaient le mensonge. Choisir était un vain mot, pour dire qu'il y avait une force profonde dans l'esprit qui pouvait encore aller plus loin, au delà de la personne. La méditation rejoignait le temps pour rejoindre le juste milieu, en un endroit ou l'esprit et la mémoire se perdent, en de vastes plaines, ou un monde en observe un autre, et qui ne connait pas la notion de "frontière". Vu de ces espaces infinis, les hommes semblent perdus, et la terre semble livrer un monde compliqué, ou certains hommes portent un autre regard sur l'autre. On marginalise, ou on montre du doigt celui qui refuse d'être à l'image des autres. Des hommes instaurent des différences, des "normes". Souvent, comme un mouton, on pousse certains hommes à suivre un troupeau: il faut faire comme les autres, et on laisse sur la route ceux qui ne suivent pas. Difficile dans ces conditions de laisser une place à ce qui doit être singulier, car une grande vague semble tout emporter. Même l'artiste le plus singulier doit répondre à des normes, et même les rêves les moins exigeants semblent limités. C'est l'image d'un homme noyé qui fait tout pour remonter à la surface d'un fleuve. Mais au bord de celui-ci, il y a des hommes qui refusent que celui-ci sorte de l'eau, et on lui plonge la tête dans l'eau, pour mieux le noyer...Et puis, l'homme tombe au fond du fleuve. Personne ne savait ce qu'il allait faire si il était sorti de l'eau...Pourquoi ? : Personne ne voulait savoir, et aussi, il se trouvait des hommes qui ne voulaient absolument pas qu'il sorte de l'eau. Mais il y a une solution : l'ignorance peut se combattre par l'ignorance. Ignorer ce qui fait obstacle est la meilleure des armes, et ignorer, c'est être confronté à ce qui est invisible, donc, à ce qui ne se voit pas, pour se retrouver sur le bon chemin, celui de la lumière, car même les ténèbres se sont dissipées. 

 

Aujourd'hui, les gens semblent plus pressés, et je me demande ce qu'ils peuvent bien chercher. Ils imitent les autres, mais ils ne veulent pas des personnes dont les parcours soient différents des leurs. Celui qui vit autrement, ou qui fait quelque chose de différent, est mis de côté, et on le méprise, car ces mêmes personnes aimeraient faire cela. 

Marginaliser celui qui porte un autre regard semble la norme, et on ne doit pas s'éloigner d'un troupeau. Notre monde en devient monstrueux, tout comme notre système de consommation. Un jour, je suis allé dans un supermarché, ou une grande surface, avec des Africains qui étaient en France depuis quelques mois seulement. Plus ils avançaient dans les rayons, et plus ils étaient stupéfaits. Pour eux, c'était le choc, de voir ce déballement de richesses, et cette "vitrine" devant leurs yeux. Et puis, il y avait quelque chose d'horrible, à circuler dans ces rayons, ces allées sans vies, ou l'homme n'était plus vu comme un être singulier, mais presque comme l'un de ces éléments issu du bétail, ou en somme, un tas de viande comme un autre, bref...Une marchandise. Un Africain qui vient de là ou il n'y a que de la brousse, ou de la savane porte son regard à lui sur ce qui ne va pas dans notre société. Certes, ils admettent volontiers que de nombreux Africains peuvent tomber dans un tel piège, et se laisser aller à être de futurs errants des supermarchés, mais pour d'autres, comme eux, c'étaient différent. Mes Africains ne sont plus retournés dans un supermarché. Pour eux, aller dans un petit magasin était nécessaire. L'Afrique, rude, et lointaine, était toijours pour eux un rappel à la vie, et que pour survivre, il ne fallait pas oublier qu'ils étaient des hommes, et qu'ils étaient singuliers, pour dire aussi que rien n'était facile. Une grande surface, un supermarché avait pour eux une fonction de déshumanisation. C'était comme enfermer des fourmies dans une boîte d'allumettes. Certaines vont en sortir, et les autres, trop faibles vont rester. Pour exister, en sâchant que la masse est la même qu'eux, alors, il ne leur reste qu'a s'en prendre aux plus faibles, à savoir, mépriser ceux qui voient la vie autrement, ou qui ne souhaitent pas leur ressembler, pour qu'ils soient encore plus exclus. C'est une bonne manière de voir les choses, mais il me semble que c'est du déjà vu, comme si il me semblait, en avançant dans mon époque, que plus grand chose pouvait me faire rêver, et que tout était nul. Ma route pouvait, à travers mon regard d'errant, tomber en un monde stérile, mais en avançant, c'était connu, les idées revenaient. Ce monde, parfois, était terrible à en vomir, et être quelqu'un pouvait paraître une entreprise difficile. Mais je sais aussi qu'il faut toujours suivre le même chemin pour revenir vers la bonne voie. 

 

L'errant à son langage, et sur la route de la vie, il cherche à traduire, ou mettre des mots sur ce qui semble stérile à toute interprétation, mais aussi, il cherche à représenter ce qu'il voit, et ainsi, il est donc le plus souvent un artiste. Mais il à une autre vision de la vie, aussi, mais il sait que si l'homme est un animal, comme un autre animal, il a renié ses origines, et oublié d'ou il était arrivé. Si l'homme aux premiers temps était aussi sauvage que les autres animaux, il a cherché à créer une histoire construite de toute pièce pour se convaincre qu'il était différent de l'animal. L'art est l'une des formes de cette supercherie, et complétée par l'écriture, l'homme trouvait des codes et un langage qui lui étaient propres. L'homme a ainsi avancé sur sa propre route, mais le nombre trés élevé des langues était un rappel, qui était pour lui insurmontable, car d'autres hommes parlaient un autre langage que le sien. Voir et observer, c'est aussi une autre façon de dire que l'homme peut refuser, et suivre les autres hommes comme un troupeau peut être la cause de sa perte. Ainsi, lors de guerres, des hommes ont suivis d'autres hommes qu'ils ne connaissaient pas, et ces mêmes hommes ont obeis à d'autres hommes, qu'ils ne connaissaient pas mieux, et dont l'ordre absurde était de tuer d'autres hommes, qui eux aussi étaient des inconnus. L'errant a le choix, et il a choisi. Le progrés n'est peut-être pas tout à fait ce qui peut rendre les gens heureux, et le regard d'un Africain peut en dire long à ce sujet. Nous sommes dans une société de consommation qui parfoit, frise le ridicule. à certaines périodes, l'homme issu de la société de consommation consomme autant que les autres hommes qui sont à côté de lui. Mais il ne sait pas, ou pas vraiment pourquoi, et il suit les autres. Les Africains m'ont parlés des effets pervers ou mirroirs, dans leurs pays. Maintenant, on voit là bas de jeunes gens qui rêvent de belles voitures, les plus pauvres suivent les plus pauvres, qui partent vers de grandes villes, pour prolonger les immenses bidonvilles. Le rêve est de devenir riche, mais ils deviennent encore plus pauvres qu'avant, et rares sont les gagnants. Les plus jeunes abandonnent les fétiches, ou autres sculptures traditionnelles, et les vieux emportent avec eux la mémoire, et les souvenirs perdus. 

 

Là bas, quand un vieux meurt, c'est une bibliothèque qui flambe. Les Africains me l'ont souvent dit. Ce monde, qui autrefois était multiple, ne devient plus qu'un seul monde, et c'est ce qui explique peut-être que à mes yeux, il devient de plus en plus petit. Les langues les plus faibles disparaissent, des lieux aussi. Le monde change, et il est à redouter de voir un jour une pensée unique, ou de voir des bonds en arrières, voir revenir l'esclavage, par exemple, si ce n'est pas déjà fait. Là ou le singulier disparaît, annonce une période noire et obscurre. Maintenant, certains Africains sont perdus, avalés par une certaine "norme", pour perdre leur identité. On parle de leur art comme de l'art "premier", pour peut-être plus les infantiliser, et les tourner d'avantage vers l'art dit "occidental", avec ses "normes". C'est énorme, mais aujourd'hui, même l'artiste n'est plus en droit de rêver, et doit se plier à des règles, à des "normes", et ce pour en exclure le plus grand nombre, pour arriver à une forme d'art unique. Même ceux qui viennent de nulle part sont exclus, et pour mieux exclure cette catégorie de personnes, on les dirige vers l'"art brut", avec les malades mentaux, et celui qui est dans le circuit de l'art dit "occidental" ne va pas aller vers lui, car c'est lui qui désormais à les faveurs de l'état, et qui va pouvoir continuer à avancer, l'autre étant mis de côté. Mais il y a les autres aussi... De manière générale, enseigner l'art est une notion absurde. Il ne devrait pas y avoir d'école pour faire de l'art, car il est né presque d'un hasard, et de ce qu'il était d'un point de vue initial, il a suivi de nombreuses étapes, pour prendre des formes multiples, et favoriser l'une de ces formes, ou une autre, est donc arbitraire. Les Africains m'ont souvent racontés que si ils fabriquaient des fétiches, c'était pour laisser un témoignage de leurs passages sur terre, non pour défier la nature, mais pour l'honorer, ou peut-être l'inscrire dans le paysage. Si ce n'était pas le cas, on parlerait d'identité, c'est à dire reproduire, par exemple, le portrait fidéle d'un individu, mais ce n'est pas le cas, et il est impossible de reproduire son identité à cent pour cent. Et puis, la nature reprend rapidement ses droits. Les Africains me parlaient souvent des éléments, et outre que la vie se devait d'être rude, le temps semblait passer comme une tempête, qui emportait tout sur son passage. Comme ils disaient: "ce qui était vert autrefois ressemble maintenant à de la poussière", "l'histoire de l'Afrique, c'est une cohabitation de l'homme avec la nature, jusqu'a l'arrivée de l'homme blanc qui à tout bouleversé". L'Afrique semble être un exemple de ce qui semblait si singulier sur terre, pour être ensuite absorbée comme un tourbillon dans ce système fou qu'est la "Mondialisation" d'aujourd'hui, ou elle semble perdre son âme. 

 

En suivant une route, et pour choisir la bonne voie, les choix sont multiples, et généralement, c'est à nous de choisir, de faire le bon choix, pour arriver à bon port. Mais dans notre monde actuel , le plus souvent, il ne faut suivre qu'une route imposée. Prendre une autre route est le plus souvent un chemin de souffrance, pour être rapidement mis de côté. Dans la vie, j'ai vu le plus souvent qu'il fallait paraître plutôt que être, et l'homme est alors plus qu'un animal, car il suit un troupeau, et il existe à travers les autres plutôt que être lui-même. 

 

Et j'ai voyagé, pour découvrir ailleurs mon identité, mais j'ai trouvé plus que cela,car cette expérience m'indiquait la voie à suivre pour devenir non seulement plus fort, mais aussi pour être plus en confiance à moi-même, pour effacer les barrières qui m'empêchaient d'avancer, en ne méprisant pas le passé, mais en allant vers les autres. J'ai cherché dans ce qu'il y avait de plus sauvage, autant dans la pensée des hommes, que dans la nature et par le voyage, pour découvrir que pour lutter contre ceux qui cherchaient quelque part à m'étouffer, ou qui font de même pour d'autres hommes, que la meilleure des armes était de les ignorer, comme eux étaient dans l'ignorance, pour enfin revenir chez moi, et retrouver mes repères initiaux, en pouvant déterminer ce que j'ai aimé, et ce que j'aime toujours. 

 

Un jour, en terminant mon long voyage, et ma traversée de l'Afrique, je me suis retrouvé face à l'océan. C'était le signe pour moi d'une certaine fin, et je me suis retourné, pour voir ce qui était derrière moi. La vue était infinie, et la chaleur aidant, un mirage donnait l'image d'une autre vue au dessus de celle qui était réelle. Il me semblait voir des nomades, avec un troupeau d'animaux, qui traversaient le désert. Le temps semblait enregistrer à jamais ce qui avait été. 

 

L'errant ne connait pas le temps, mais il le traverse. La vie est peut-être trés difficile pour lui, mais il à besoin de faire sa quête,  et de revenir au passage, à ses origines.Plus tard, il revient vers les autres, avec le sentiment d'avoir beaucoup appris. Il y a beaucoup de sacrifices, et il s'éloigne de personnes qui lui étaient trés proches. Parfois, il y a un sentiment de trahison aussi. Le temps n'est plus alors le plus fort, et l'errant tutoie le temps. En regardant sa vie d'homme, il ne peut s'empêcher de penser, et de se souvenir de l'enfant qu'il avait été. Nous avons oubliés nos rêves d'enfant. C'est en allant vers des êtres faibles que j'ai tout compris au sens de la vie. Quand il y a en nous un manque, ou quelque chose qui est brisé, le plus souvent, pour guérir, soigner, il est important de revenir à des choses simples, ou lointaines, et qui étaient enfouies en nous. Parler de l'enfance, c'est parler des origines, c'est à dire, du commencement. Ce n'est pas vraiment un univers, mais un monde, enclavé dans notre propre monde. L'enfant à son propre langage, et il observe le monde des adultes qui est autour de lui. La vie, comme la mort, sont pour lui deux conceptions étrangéres. L'enfant se projette dans une vie éternelle, et comme l'errant, il ignore le temps. Pour lui, il n'y a pas de peuples, ni de races, tout comme il n'y a pas de différences. Mais un jour, on lui parle de la mort, et on lui en dit plus, encore. Au même moment, sans doute, il apprend les différences, et par exemple, il parlera aux filles autrement , tout comme il apprendra qu'il y a des étrangers, qui parlent le plus souvent une autre langue. L'enfant entre alors plus rapidement dans le moule, pour se diriger vers un âge intermédiaire, l'adolescence. Il n'est plus alors véritablement un enfant, ni vraiment un adulte non plus. Souvent, il peut être perdu, et le monde, comme il le perçoit, peut devenir bien cruel, d'ou ce qui expliquerait les crises d'adolescence. Nous grandissons donc dans la douleur, et nous suivons un chemin qui semble tout tracé. Nous nous inscrivons dans un groupe, ou le plus souvent, nous ne sortons pas. Celui qui ne suit pas les autres, et qui ne fait pas comme eux, est exclu, pour être mis dans la marge, car il n'a pas tout à fait perdu ses rêves d'enfant, car une grande trace, indélébile, est inscrite en lui. C'est l'un des drames de notre société actuelle. Parler devient difficile, et on retrouve de plus en plus de gens dans la solitude. Il y a toujours quelqu'un qui à tort, et certains arrivent toujours à trouver plus de différences encore, pour compliquer encore plus les choses. On ne trouve plus le temps de parler avec des mots, les bons mots, pour chercher à effacer les différences. La méfiance reigne, et le doute persiste. Nous sommes dans un monde perdu, un monde d'égarés, ou certains communiquent, tandis que d'autres s'éloignent, des maux nouveaux arrivent, alors que d'autres, en vain, essaient de trouver des mots justes pour apaiser un monde qui est comme il est. Je n'ai pas oublié non plus que l'enfant vit dans l'espoir, et que nous avons tous en nous une part de l'enfant que nous avons étés, jadis.

 

Dans le spleen de la vie, aux moments de faiblesses, la création semble un long voyage. Ce qui avait été avant n'est plus qu'un souvenir, et un train semble être passé par ici ou ailleurs, pour m'emporter toujours plus loin, tout comme le temps est lui aussi envoyé aux souvenirs du lointain. Ainsi, je porte un regard éloigné de ce qui fut crée avant, et rien ne semble me convenir vraiment. J'ai toujours l'envie de voir  toujours autrement. Des fois, il me semble que je n'aime pas ce que j'ai réalisé, comme pour mieux me fuir. J'ai souvent le sentiment qu'il n'y a rien derrière moi, comme au devant. Tout est emporté, il y avait l'avant, tout comme il y avait l'aprés. un double sentiment de bizarre, mélangé à de l"étrange. Il fut un temps ou plus rien du tout ne m'intéressait, et ou le monde me semblait bien lointain, du moins celui dit "réel". Tout me semblait si vain, si dérisoire. Ma vie ressemblait à celle de Robinson Crusoé, perdu dans une île, qui elle-même était perdue. C'était une panne, un moment d'arrêt dans l'existence ou les mots ne se décrivaient pas pour décrire. Mais j'ai trouvé les mots dans l'observation, pour reprendre ma route, et moi seul, j'étais capable de décider du chemin de celle-ci, signe d'un certain réveil. Les mots se confondaient alors avec les formes, ou d'autres, plus visibles. Ce qui ressemblait à du retrait, ou de l'absence, ressemblait brusquement à de la méditation. Ce n'était même pas explorer le bien ou le mal, comme non plus trouver le juste milieu, mais comprendre que tout était artificiel, qu'il n'y avait pas qu'une seule vérité, mais plusieurs, et que rien n'était vraiment dit, mais que tout était source à interprétation. Mais cependant, paraître restait toujours une notion importante, tout comme trouver les mots justes. La parole, tout comme ce qui allait avec, se trouvait alors libérée. Le rêve pouvait alors avoir sa part, et l'ombre pouvait rejoindre les placards, comme un mauvais souvenir. Mais dans le dessin, il y a une exploration de ce qui est le plus trouble, le plus profond, plonger vers l'inconnu, vers ce qui n'est pas, ce qui n'est pas encore, ou qui va paraître. Souvenir lointain, par exemple, découverte d'une trace, et vers celle-ci, trouver le chemin, pour aller plus loin, aller toujours plus loin, pour trouver la route, la grande route, celle qui dirige vers ce qui est concrêt, plutôt que ce qui est l'inconnu. Le brouillard n'est plus alors qu'un mauvais souvenir, et la grande route semble nous diriger vers ce qui brille. 

 

Je suis enfin un jour revenu dans la ville de mes origines, peut-être pour retrouver mes racines. Ce jour là, le brouillard n'était plus devant moi. 

 

L'exil est mon royaume. Au delà de ce qu'il y a de plus fort dans la vie, j'ai recherché ce qui ne se trouvait pas. J'ai choisi volontairement d'être à l'écart de tout, et d'être dans mon exil à moi. Un exil volontaire. Je ne pense pas vraiment avoir trouvé ce que j'ai recherché, vainement. J'ai douté, et aussi, j'ai hésité. Je me suis réfugié dans un monde qui n'existe pas, pour oublier tout et rien, en un espace loin de tout, et si proche, aussi. Je suis ici présent, et j'observe la vie, et mon chemin continue , pour toujours essayer de comprendre, à ma façon. Le monde n'était pas assez grand, et il était plus petit que ce que je pensais, mais il était grand de n'être pas assez connu, tout comme il était vaste par ses diffèrentes cultures et peuples. Le monde est une bulle ou l'on ne sort jamais. Et ici, mes yeux n'étaient pas assez puissants pour observer encore plus profondément vers le lointain, l'inconnu. C'est quand nous sortons d'un chemin que le monde se présente à nous. Aussi, il faut regarder derrière soi pour voir le chemin accompli. à l'image de l'espoir, le chemin, ou la route, me montrent la voie d'un homme malade de la vie qui cherche à se soigner en allant toujours de l'avant. Un jour, cet homme trouve la guérison, et son chemin se termine souvent au haut d'une falaise. 

Ici, mon regard est en accord avec moi-même, et il me confirme que dans cette voie, je ne me suis pas trompé.

 

Ainsi, je suis encore plus présent qu'avant, car j'ai trouvé la voie. Encore plus fort que toute une armée, j'ai maintenant mes certitudes, et je suis désormais toujours certain de ne pas me tromper de voie.  En accord avec moi-même...

 

                                                                                                                                                                             Fin.                      

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